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Littérature Grise


 

Chapitre 3 : D'un Autre à l'autre

 

Pour savoir à qui, et comment, la télévision peut être utile ou nuisible,
nous nous sommes mis en quête de savoir ce que c'était, "la Télévision"
Ici nous allons voir qu'il s'agit d'une Autre - et comment permettant d'accéder à l'autre

Nous pouvons ensuite noter une seconde chose :

                              La télévision intéresse la vision, l'œil et le regard
                              Il ne sera certainement pas vain de considérer la nature de l'œil et du regard pour acquérir une connaissance de la télévision. La psychanalyse s'est faite une spécialité de la connaissance de l'œil et du regard - et tel est son enseignement dans ce domaine :

 

Histoire et développement de la vision et du regard :

   Aux tous premiers âges : l'enfant qui vient au monde ouvre les yeux et ne fait pas de différence entre les formes mouvantes, la forme humaine qu'il voit entrer dans sa chambre, celle qu'il voit passer par la fenêtre, celle qu'il voit sur un écran, ou celle qu'il voit dans un miroir. Rapidement son intelligence établit des distinctions ; principalement identifie-t-il les formes dans le miroir dont une, qui lui est particulièrement amie - il s'agit de sa propre image qui est toujours présente, jamais imprévisible, toujours accordée à soi-même - jusqu'à ce qu'un jour s'inverse cette familiarité qui tourne à l'étrangeté. Il découvre en effet qu'il manque quelque chose d'extrêmement important à cette forme jusqu'alors captivante : elle n'a pas d'initiative et pas plus de regard. On observe alors que cette image spéculaire normalement déchoit, éventuellement représente la mort tandis que le petit humain commence à reconnaître la forme d'autrui par comparaison : doué d'une voix, d'une parole, d'une demande, d'une initiative et de manière conceptuelle, d'un regard.

 

La télévision montre la même histoire et même développement que ceux de la vision et du regard :

   Dans l'ordre de la représentation, la société humaine a d'abord créé des images, des dessins, voire des textes ou des architectures qui sont analogues aux objets de l'environnement courant que le nouveau-né perçoit dès sa venue au monde. Il y a cinquante ans le stade de la télévision a débuté. On y reconnaît les caractéristiques du miroir ; dernièrement l'individu y distingue clairement ses propres traits (usage courant des caméscopes). Et à présent la comparaison avec le miroir se complète :
   A la manière du miroir qui constitue un stade en révélant un manque d'interactivité et de regard, dont on réalise par contraste la présence en autrui que du coup on découvre - la télévision dévoile qu'elle est sans interactivité en contraste avec ce qui lui succède, en matière d'ordinateur (jeu interactif, communicatif).

   On voit donc que comme le miroir la connaissance de la télévision dépend de l'étape qui lui succède -
mais qu'il faut encore que l'ordinateur puisse porter un regard.
Pour cette évaluation, la psychanalyse offre un concept clé :

   Ce qu'on appelle regard est une perspective de communication caractérisé par un contexte que la psychanalyse dénomme Grand Autre (simplement écrit 'Autre', avec majuscule). Selon cette théorie, cet Autre suit les lois du miroir à partir duquel autrui, c'est à dire un autre peut être intégré et distingué. Pour savoir si la télévision s'y conforme, il faut considérer ce qui est essentiel à ce concept : l'Autre lui-même n'a pas d'Autre. En pratique cela s'éprouve à l'inertie propre à l'image spéculaire - dans le miroir mon image ne me prend pas pour un autre, ni le miroir ne saurait-il se voir.
   C'est dans le fait qu'elle soit planétaire que la télévision affirme cette caractéristique de l'Autre - puisque jusqu'à preuve du contraire il n'y a pas d'autre planète avec laquelle l'humanité communiquerait. Cette sorte de miroir par conséquent vérifie les conditions permettant d'assumer la fonction d'Autre.
   Il y a donc des raisons de croire qu'elle fournisse la base à l'ordinateur qui lui succèdera en apportant l'interactivité, et qui à son tour pourra soutenir la fonction de l'autre.
 

 

   Selon ce point de vue de cette analyse - et compte tenu des difficultés à contrôler la présence de la télévision dans la vie des enfants (voir chap.2) - l'intérêt, les risques et les bénéfices de la télévision ne sont ni plus ni moins ceux du miroir dans une maison. De même qu'on ne peut pas contrôler le contenu d'un miroir (qui ne présentera jamais que la réalité qui est en face de lui) ; on peut par contre prendre soin et veiller à une hygiène particulière. La psychanalyse établit qu'une vertu de la télévision tiendrait à ce qu'elle soit et demeure planétaire. Nous devrons donc nous mettre en garde contre certains cloisonnements que les sociétés peuvent avoir tendance à instaurer dans l'ouverture au monde que la télévision permet.

   Préserver la multiplicité et l'omni-direction des angles de point de vue semble pouvoir être une bonne gestion et une bonne potentialisation de la fonction de la télévision en préparation au vertus d'altruisme qui se complèteront avec l'ordinateur.

 

 

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