Questions de JC psychanalyste
 à
 J.P Bègue psychanalyste en ligne

 

Vous êtes l’un des premiers psychanalystes à avoir investi le net pour y proposer l’analyse en ligne. Dans un contexte psychanalytique où le respect des règles constitue un cadre intangible à la pratique, comment vous est venue cette idée, pour le moins novatrice et audacieuse, de remplacer le divan par l’ordinateur ?

J’ai tout de suite compris les immenses possibilités qu’offrait Internet pour avoir accès, en quelques clics de souris, à de formidables banques de données et pour effectuer de chez soi de nombreuses tâches (achats en ligne, courses, démarches) mais ce qui m’avait le plus impressionné c’était la possibilité de communiquer avec une personne à l’autre bout du monde en la voyant sur un écran grâce au haut débit et à la webcam.

L’idée s’est alors imposée à moi comme une évidence : pourquoi ne pas faire le lien entre l’analyse et Internet en réunissant les 2 ; c’est de cette union qu’est née l’analyse en ligne.

Pouvez-vous décrire votre façon de procéder, comment se passe concrètement une séance d’analyse sur le net ?

Le premier contact se fait par mail, il correspond à la demande de la personne et à l’examen de la recevabilité de sa demande qui peut, dans certains cas, ne pas être recevable ou déboucher sur une période d’essai à l’issue de laquelle une décision sera prise.

Nous nous mettons ensuite d’accord sur les rendez-vous hebdomadaires (généralement 3), nous convenons de l’horaire et des modalités de paiement (chèque en début de mois).

Les séances ont lieu au jour et heure fixés sur l’aire de rencontre de Yahoo ou de Messenger, la confidentialité est bien protégée puisque le patient et moi sommes les seuls à utiliser cet espace qui nous est réservé.

Une fois le contact établi et les webcams mises en marche, la séance commence par un échange de bonjour en se voyant puis j’interromps d’un clic de souris la télétransmission de ma caméra afin que le patient ne me voit plus, par contre, le patient lui reste sous mon regard par le biais de la caméra pendant les 45 minutes que dure la séance.

J’écoute mon analysant dont les paroles me parviennent par les écouteurs ; le micro dont je dispose me permet d’intervenir quand je le juge opportun tout comme je le ferais dans mon cabinet en séance classique. A la fin de la séance, je rebranche ma caméra, je redeviens visible pour mon patient et j’échange quelques mots avec lui avant de lui dire au revoir.

Votre description me fait associer sur l’hypnose avec l’écran de l’ordinateur comme pendule, l’interruption de la transmission de l’image par l’analyste me suggère la formule de l’hypnotiseur : vos paupières sont lourdes, de plus en plus lourdes et l’analyste redevenu visible à la fin de la séance le réveillez-vous de l’hypnotiseur. N’est-ce pas là un retour en arrière par rapport à l’avancée de Freud ?

Que l’évocation de la psychanalyse vous fasse associer sur l’hypnose me paraît normal puisque Freud l’a d’abord utilisée avec ses patients pour les aider à retrouver des souvenirs refoulés mais il a abandonné cette pratique pour celle de la libre association car de nombreux patients insensibles à la suggestion ne pouvaient pas être hypnotisés.

Dans la pratique de l’analyse en ligne, l’analyste ne cherche pas à endormir son patient mais plutôt à l’éveiller aux manifestations de l’inconscient pour lui permettre de reconnaître son désir avec comme effet un remaniement de sa subjectivité et une meilleure connaissance de soi.

La psychanalyse inventée par Freud a des règles bien précises qui concourent au bon déroulement de la cure. Ne craignez-vous pas que votre pratique sur le net soit considérée comme une rupture par rapport à l’analyse sur le divan dès lors qu’il n’y a plus la présence physique d’un analyste et d’un analysant dans le même espace. En un mot, il ne s’agirait plus de psychanalyse mais d’une variante au standard de la cure analytique. Peut-on encore parler de psychanalyse dans ce cas ?

Oui, je crois que l’on peut encore parler de psychanalyse dans ce cas.

Freud a toujours laissé la porte ouverte à d’autres dispositions techniques, il a même écrit que l’analyse était la seule technique appropriée à sa personnalité mais que cela ne voulait pas dire qu’un autre praticien constitué tout autrement que lui ne puisse pas être amené à prendre d’autres dispositions. Il est même allé plus loin en préconisant d’adapter la technique psychanalytique si des conditions nouvelles apparaissaient ; il pensait alors à un accroissement du nombre d’analystes et des personnes ayant recours à eux.

Freud a inventé la psychanalyse pour traiter des maladies psychiques : hystérie, phobie, obsessions. Son but étant de guérir les patients de leurs symptômes.

Au fil de la pratique, il s’est avéré que la guérison pouvait survenir pendant le traitement ou après la fin de celui-ci, c’est à dire de surcroît ou pas du tout. Un analyste connu (JB Pontalis) a déclaré dans un entretien récent : « l’analyse n’a pas de but thérapeutique au départ car elle n’en fait pas son objectif, elle doit permettre une meilleure connaissance de soi. »

Du point de vue de la technique, une modification importante a été apportée par Lacan avec l’invention de la séance à durée variable. Quant à la neutralité bienveillante de l’analyste, elle est parfois transformée en manifestation d’affection ou à l’inverse en frustration de toute réponse à l’analysant.

Aujourd’hui avec l’apparition de l’analyse en ligne, l’évolution réside dans l’utilisation d’un nouveau moyen de communication à distance par le biais duquel la présence physique simultanée dans un même lieu n’est plus nécessaire pour pouvoir communiquer et se voir.

Autrement dit, une analyse à distance est possible en gardant les mêmes principes que l’analyse sur le divan : la présence d’un analyste en ligne le plus souvent silencieux dans une attitude de neutralité bienveillante et d’un analysant invité à dire tout ce qui lui vient à l’esprit spontanément sans appliquer aucune censure (règle de libre association) ; l’analyse des résistances c’est-à-dire les réticences ou les manquements à cette règle ainsi que tout ce qui, dans les actes ou les paroles, s’oppose à l’accès du sujet à son inconscient ; l’interprétation des rêves, des lapsus, des actes manqués ; l’analyse du transfert sur l’analyste de sentiments, d’émotions, de comportements et de désirs inconscients procédant de la relation aux figures parentales.

Nous connaissions l’analyse freudienne, l’analyse lacanienne, l’analyse jungienne, nous avons maintenant l’analyse en ligne. Reste à l’expérimenter et à en apprécier les avantages et les inconvénients.

Dans l’analyse, l’analysant est invité à dire les pensées parasites qui viennent interférer avec sa pensée rationnelle pendant la séance. La présence physique de l’analyste, sa poignée de main, son bureau, ses objets personnels, les bruits, les odeurs induisent ces pensées parasites qui témoignent d’un retour du refoulé. Dans votre approche ne vous privez-vous pas de ce qui constitue un des pivots de l’analyse ?

Vous avez raison, les éléments dont vous parlez peuvent, à certains moments de la cure contribuer à induire des pensées parasites utiles au travail analytique. L’inconvénient majeur de l’analyse en ligne c’est de ne pas avoir la présence de l’autre, sa poignée de main, son apparence sexuée, le décor familier de son bureau et de nombreux autres détails.

Cet inconvénient paraît rédhibitoire au premier abord pourtant bon nombre d’internautes, habitués à tout faire de chez eux, peuvent apprécier l’analyse en ligne tout simplement parce qu’elle fait partie de ce qui est accessible à distance et qu’elle leur convient sous cette forme.

Pour d’autres personnes l’éloignement et la médiation de l’ordinateur constituent au contraire un avantage compte tenu de la nature de leurs difficultés : timidité, phobie sociale, sentiments intenses de culpabilité et de honte liés à des abus sexuels, peur du regard et du jugement de l’autre. Ce dispositif leur permet de surmonter la peur qui les empêchait de consulter un praticien en ville ou de renouer avec une demande d’aide trop vite abandonnée.

Il y a également les personnes souffrant d’anorexie ou de boulimie, chez elles, le corps est au premier plan, son effacement dans l’analyse en ligne peut dans certains cas se révéler très positif en facilitant la démarche vers l’analyste et ultérieurement le travail dans le cadre de la cure.

D’autre part, la moindre quantité d’informations visuelles, l’absence de la présence physique de l’analyste derrière soi suscitent paradoxalement une plus grande activité imaginaire chez le sujet entraînant parfois un retour plus rapide du refoulé.

Enfin, pour atténuer l’absence de présence physique, il y a la possibilité pour l’analyste en ligne de prévoir des rencontres avec son patient selon une périodicité adaptée à sa disponibilité et à son éloignement géographique.

Lorsque vous évoquez les personnes qui ont des difficultés spécifiques de type phobique ou celles qui ont un problème avec leur corps, ne croyez-vous pas que votre approche se met au service de leurs résistances et sert à éviter la relation à l’autre or ce sont bien ces résistances et leur analyse qui relèvent du travail dans la cure.

J’ai bien conscience qu’il s’agit de résistances dont le but est d’éviter le rapproché à l’autre mais que vaut-il mieux : laisser ces personnes dans leur souffrance ou leur permettre de faire le premier pas vers une aide dont les modalités semblent leur convenir ?

Je crois qu’en leur évitant la confrontation avec ce qu’elles ne peuvent supporter, l’analyse en ligne les met en confiance, éveille leur intérêt et leur permet de faire un travail qu’elles n’auraient probablement jamais pu entreprendre dans le cadre traditionnel.

C’est cela qui me paraît important.

L’écran de l’ordinateur, dont on peut se demander si l’analyste est devant ou derrière, peut être considéré comme une protection or une des spécificités de l’analyse c’est précisément la présence de l’analyste et de l’analysant sans séparation matérielle ; ce qui donne à l’analysant la possibilité de rompre le contrat en s’asseyant, en se levant, en regardant son analyste. Il y a donc un risque où chacun s’expose à une éventuelle rupture du contrat, dans votre pratique ce risque paraît inexistant.

Dans l’analyse en ligne, il y a également la possibilité que vous évoquez : le patient peut rompre le contrat en se levant pour disparaître du champ de la caméra ou en réclamant à son analyste de le voir en cours de séance ou bien encore en claquant la porte, en l’occurrence en se déconnectant. Il existe encore bien d’autres façons de rompre le contrat.

L’écran de l’ordinateur n’a pas été mis en place pour servir de protection, il est là parce qu’il est nécessaire à l’analyse en ligne, dit-on de l’analyste qui se tient derrière son patient qu’il le fait pour se protéger du regard de son analysant, je ne le pense pas, cette disposition spatiale est simplement nécessaire au dispositif analytique tel qu’il a été inventé par Freud.

Utiliser Internet, c’est rendre accessible plus facilement l’analyse à beaucoup de gens. Freud, en son temps, avait envisagé l’accessibilité de l’analyse à un plus large public et il y avait vu pour l’avenir deux conséquences majeures : une diminution sensible de l’efficacité thérapeutique et une difficulté à maintenir le respect des règles de la technique analytique. Qu’en pensez-vous ?

Je crois qu’effectivement la psychanalyse en ligne peut toucher, pour des raisons de commodité et de motivation propre à chacun, beaucoup de gens en ville mais aussi des personnes installées loin des grands centres urbains, des personnes expatriées ou bien encore des personnes dont la mobilité se trouve réduite du fait de la maladie ou d’un handicap.

Pour ce qui concerne la diminution sensible de l’efficacité thérapeutique du fait de l’ouverture à un plus large public, cette crainte me laisse perplexe car la psychanalyse a fait ses preuves et du point de vue scientifique un traitement dont l’efficacité a été testée et démontrée à partir d’une étude sur des groupes témoins ne perd pas son efficacité lorsqu’il est appliqué à une population élargie.

Je ne vois pas non plus pourquoi les règles techniques seraient plus difficiles à maintenir si ces règles se révèlent pertinentes par rapport au but que l’on se propose ; on ne change pas ce qui marche.

En revanche, si nous nous plaçons dans une perspective de contrôle, il est plus difficile de contrôler quelques milliers de praticiens qu’une dizaine, d’où les écoles et les associations qui veillent sur le respect des règles pour éviter dérives ou transgressions.

Votre proposition d’analyse en ligne peut être perçue comme un créneau supplémentaire dans le foisonnement des offres de bien être assez éloigné de ce qui est la spécificité de l’analyse à savoir une recherche pour le sujet de sa vérité sans visée thérapeutique ou normative ni promesse de bonheur à l’issue de la cure ?

Effectivement, c’est une nouvelle offre à côté de ce qui existe en ville et sur le net. Je crois pour ma part que nous aspirons tous à un mieux être, pourquoi pas à un bien être et éventuellement au bonheur. J’ose espérer que la psychanalyse peut contribuer à un mieux être en libérant notre capacité à aimer et à faire des projets à défaut de nous guérir de notre condition humaine.

Sur Internet les séances d’analyse peuvent être enregistrées sous la forme de fichiers, le patient peut alors écouter les enregistrements de ce qu’il a dit et les interprétations de son analyste. N’y a-t-il pas un risque important au niveau de la confidentialité ; dans le bureau de l’analyste les paroles s’envolent, sur Internet elles restent mémorisées sur le disque dur ?

Le risque que vous évoquez existe, il est tout à fait possible d’installer un logiciel spécifique d’enregistrement sur l’ordinateur afin de conserver l’intégralité des séances sur le disque dur. Cependant, il ne faudrait pas croire que dans l’intimité du cabinet de l’analyste ce risque n’existe pas, il est tout autant présent ; un patient peut très bien enregistrer la séance à l’insu de son analyste en ayant dans sa poche un magnétophone de taille réduite ou un dispositif encore plus miniaturisé (micro cravate) facile à se procurer dans le commerce.

Nous ne sommes plus à l’époque de Freud !

Nombreux sont ceux qui ont constaté, notamment sur les chats, qu’Internet avait des effets désinhibiteurs et provoquait des régressions dans le comportement. N’y a-t-il pas là le risque pour l’analyste de se trouver face à un transfert totalement différent par son intensité et immaitrisable de ce fait ?

Je ne crois pas que l’on puisse comparer un chat, situation groupale où tout est permis du fait de l’anonymat avec la situation analytique qui a un cadre (la séance), une règle (la libre association) et la présence structurante de l’analyste sujet supposé savoir. Qu’il y ait une levée des inhibitions et des comportements régressifs, c’est ce qui fait la matière du travail analytique à côté des manifestations de l’inconscient, c’est bien normal, c’est-à-dire conforme à ce qui se passe dans la cure.

Je peux vous assurer que le transfert dans l’analyse en ligne n’est ni plus ni moins intense qu’en cabinet et qu’il n’est pas différent dans sa nature puisqu’il prend bien la forme positive (amour) ou la forme négative (haine) à travers laquelle se joue la problématique singulière du sujet vis à vis de l’analyste.

Dans la séance sur le net, l’image en début et en fin de séance n’est pas l’analyste, de même que parler à l’analyste par l’intermédiaire d’un micro n’est pas la même chose que parler à un analyste dont on perçoit la présence derrière soi. Est-ce que cette virtualisation ne présente pas de risque pour les patients, ne peuvent-ils pas se demander s’ils parlent à quelqu’un de réel ou à un produit de leur imagination ?

Je voudrais vous faire remarquer la singularité de la situation analytique classique du divan, on ne prête pas suffisamment attention à cette singularité : parler à quelqu’un qui est derrière soi ; cette disposition spatiale engendre dans certains cas des peurs voire des angoisses intolérables rendant parfois impossible tout travail.

Je ne pense pas qu’un patient puisse se demander s’il parle à un produit de son imagination.

Dans l’analyse en ligne, le patient sait bien qu’il s’adresse à une personne réelle ; il connaît son nom, son image et sa voix.

C’est un peu comme si au téléphone conversant avec une personne connue nous nous mettions à nous demander si nous parlons à une personne réelle, je crois que si tel était le cas, il faudrait appeler le Samu et nous diriger d’urgence vers un service spécialisé pour recevoir les soins appropriés à notre état.

Comment peut-on vous trouver sur Internet ?

Pour me trouver sur Internet c’est très simple ; vous tapez l’adresse www.monpsychanalyste.com et vous êtes immédiatement accueilli sur le site.

Les internautes peuvent y découvrir ma photo, mon numéro Siret, mon nom, mon adresse, des informations sur la psychanalyse et la psychothérapie, ma formation et diplômes, mon parcours personnel et professionnel, la référence de mes articles ainsi que le tarif et les modalités de paiement. L’avantage du site, c’est de donner un maximum de renseignements que les personnes n’oseraient peut-être pas demander à un praticien en ville avec en plus la possibilité de m’adresser un courriel pour me poser des questions.

 

JP BÈGUE Psychanalyste

www.monpsychanalyste.com