Le PLuriel ANalytique
Une description brève

par le Dr William Théaux


Propos

Présentation

   Au début des années 80, une technique fut mise au point et nommée 1er) Analyse Plurielle. Le mot pluriel, à cette époque, n'était pas usité comme à présent ; il était inhabituel qu'on dise d’une chose qu'elle fut ‘plurielle’. Plus tard, la pratique fut promue aux États-Unis et renommée 2em) Plural Analysis, tandis qu'en France la politique pendant ce temps, banalisait dans la langue l'emploi de l'adjectif pluriel. Elle donne ainsi dans son pays l'occasion d’améliorer son identification technique; toujours sans intention partisane elle se dénomme à présent 3em) PLuriel ANalytique ; insistant sur le fait que c'est bien un 'pluriel' - groupe et/ou réunion - qu'elle rend 'analytique'.

   Avec sa maturation, cette promotion nominale prolonge l'opportunité anglaise de jouer de chaque deux premières lettres, PLAN! à la manière d'un logo ou d'un label qui rappelle que ce qui existe comme le désir inconscient d'un groupe, est un but, un projet ou un programme – bref un plan qu’il sauvegarde comme une mémoire.BR>">   C'est un tel organe de mémoire dont la démocratie libère des sujets, que rend le pluriel comme objet social, lorsqu'une analyse à l'origine freudienne le structure – phrase à trois niveaux qui décrit ceux d’un PLAN.

 

   Le présent texte est la retranscription d'une présentation orale qui fut l'occasion de questions-réponses. Il s'appuie par ailleurs sur une page web (préparatoire et ardu de style : http://perso.club-internet.fr/wtheaux/20011215exisFSP.htm). L'ensemble est ici résumé de façon simplifiée:

 

 Texte

   La psychanalyse poursuit une vocation sociologique - c'est l'enjeu que cherche a traduire la thèse du meurtre-du-père, initialement produite par Freud avec Totem & Tabou. Lacan la soutint ensuite avec des arguments mathématiques (voir Le Temps Logique). Là où le premier donnait la raison psychique de l'Idéal, le second ajouta celle de la Plus-Value, en ce cas nommé plus-un à la place du mort, absent. Ces notions expliquent en politique la Science et le Savoir Collectif. En pratique la transmission lacanienne (la Passe échouant) les promus en Cartels, toujours en cours dans les cercles d'étude psychanalytique, qui fonctionnent de l'adjonction d'un membre rattaché (dit plus-un) à tel ou tel collectif désirant savoir.

 

   L'analyse en profondeur de l'histoire de la civilisation, montre par ailleurs que la symptomatologie religieuse qui avait préoccupé Freud, s’était affranchie du même problème par l'usage du zéro, lequel constituant au sein du savoir collectif la représentation de l'absence. Pareilles traditions sociales & mathématiques suggèrent le complément du modèle du Cartel ; d’autant que l’exercice de son mode spéculaire (plus-un -> moins-un) est corroboré par un usage ancien, mais très monumental dans l'histoire, qu'on appelait avant la Renaissance l'Art de la Mémoire.

   C'est technique remonte à l'antiquité, lorsque Simonide la divulgua après Socrate. Transmise de la Grèce à Rome par Cicéron, elle ordonna l'Hermétisme jusqu'à Giordano Bruno qui fut son représentant à la Renaissance. Elle ressort de nos jours sous la forme de l'usage du moins-un par la psychanalyse à l'adresse des collectivités.

 

   La représentation électronique à l’adresse le web susdite donne une illustration animée, permettant de prendre connaissance en un coup d’œil de la technique PLAN, au demeurant très simple, ici décrite en quelques mots :

 

  Un pluriel analytique est constitué par la réunion d’un groupe. A partir d’une pièce voisine un analyste invite l'un après l'autre les membres de ce groupe pour un entretien de quelques minutes; à l'issu duquel la personne réintègre la réunion. L'analyste extrait alors un autre membre et ainsi de suite. Toute la session se passe donc avec une absence circulante.

   L'absent qui permute est appelé « moins-un » ; sa sortie une « extraction » ; l'entretien est une « séance » ; le temps de la réunion une « session ». De cette organisation résulte un pluriel analytique.
 

  

Questions-Réponses

Peut-on préciser la nature du moins-un ?

   Dans la légende initiale il s’agit du membre Simonides qui sort du ‘Banquet’ de sorte qu’à son retour, après coup, ses effets sont identifiés, restituant la mémoire entre-temps dissipée (en deux mots, lors d'un banquet, Simonides sort rencontrer Castor et Polux, tandis que l'idéalisation au sein du banquet est questionnée, ainsi que sa fonction précaire de mémoire; voir Cicéron, F.Yates etc..). Plus tard et à la Renaissance, Giordano Bruno souligne les effets de Signifiant que l’absence détermine in situ dans le groupe ; ce qu'il décrit comme jeux d’images et de places que Lacan plus tard formulera cybernétiquement (illustration ci-dessous). Troisièmement aujourd’hui la psychanalyse identifie l'effet dans la pièce adjacente; avec l’extraction l'absence devient agent d’une opération de transfert. Le moins-un opère de ces diverses perspectives, vous y reconnaîtrez le temps, le zéro, le sujet.

 

Qu'est-ce que font les autres dans le groupe ?

   Ils entretiennent l’activité du groupe ; autrement dit, ils motivent leur réunion de ce qu’on appelle l’objet du groupe. L'objet de la réunion concerne les membres en présence avant qu’ils aient à se soucier de celui qui sort. Le travail collectif n'est pas diminué ; au contraire il est libéré de nombreuses charges névrotisantes.

   Voyez comme en psychanalyse un être social transfert ses symptômes ; on dit que l'analysant laisse dériver vers l'analyste ses associations libres. Ici les membres extraits s'en chargent - tandis que patient, ici le groupe, le pluriel, renforce son identité et simplifie son activité sociale. C’est le pluriel n’est-ce pas (le Noûs de notre tradition Hermétique), qui est ici l’analysant, en termes lacaniens.

 

Qu’est-ce qui résulte de ce dispositif ?

   On observe d’emblée une dynamique – elle apparaît d’abord comme un déshabituage – voire une fonction euphorisante. Elle est due à la constatation que le groupe fonctionne très bien, sans que rien de ces sorties (extractions) ne nuise ou diminue son travail, au contraire. Certes il existe des groupes aux activités spécifiques nécessitant la présence constante de leurs membres ; mais outre ces situations contournables, les réunions courantes se sentent immédiatement soulagées d'une pathologie générale.

   En termes plus détaillés ; la représentation de la mort est une fonction sociale inconsciente, recouverte par un idéal collectif. L’intelligence artificielle et autre réseaux y suppléent à présent. C’est une délivrance historique, qui permet de mettre à la place l’absence (moins-un) au lieu de l'échafaudage complexe et coûteux du leader, mort et culpabilité. Ce qui découle de cette substitution c’est l’entier investissement du groupe dans son objet réel, c’est à dire sa production. C’est ce perfectionnement du travail qui entraîne l’euphorie dont je parlais.

 

Chaque personne fait-elle un compte-rendu de sa séance ?

   Pas nécessairement ; seul l’analyste est astreint au secret. Il n'y a pas d'autre règle ; ce qui laisse libre la force de travail. Du côté du groupe, la seule chose qui soit imposée, outre la séquence d'absence, c'est l'ordre des séances. Cette succession (dite sérielle) est déterminé par l’analyste. C’est lui qui invite à l’extraction - mais cette attribution pourrait être modifiée, dans le cadre des variations techniques de la méthode.

 

Quel est le rôle du psy dans tout ça ?

   Le psy ne connaît du groupe que ce qui lui est dit en séance. Il ne fait irruption dans la réunion que pour inviter à une extraction. Le groupe reste intègre, sans influence. D'autre part il n'y a que l'analyste qui sache le fil de discours que les séances accumulent artificiellement (comme un objet scientifique) et en parallèle.

   Pendant que le groupe, délié des contraintes hypnotiques de l’idéalisation, décuple son investissement sur sa production, cette somme que le psychanalyste réceptionne, appelée l’objet (a), s'élabore en organisation sérielle, et réalise une mise en code de l’Inconscient. C'est un résumé fort technique (l'objet (a) est lacanien, le sériel définit par Sartre, la mise en code participe de la nouvelle donne des structures de la parenté depuis l'industrie génétique) ; mais il est difficile de définir l'analyste autrement que par concepts. En termes pratiques, du côté du groupe, rapportons-nous aux effets du psy sur la mémoire. Or il n'y aurait rien d'écologique qui soit sans mémoire. Sans mémoire de ses oeuvres une entreprise s'arrête à sa pollution, puisqu'elle ignore d'où viennent ses déchets. C'est pourquoi d'une manière très générale on peut reconnaître comme écologique le produit d'un pluriel analytique (écologie sociale, voire écologie naturelle).

 

En fait, sociologiquement ça équivaut à un modèle mathématique..

   Vous voulez dire que certaines équations sont puissamment résolues par ce qu’on appelle un raisonnement par l’absurde, et qu'on opère ici une socialisation par l’absence !  ..:)     C'est évidemment paradoxal, mais ce sont bien des paradoxes qu'il faut attendre lorsqu'on envisage d'être conscient du destin, du plan ou de la détermination collective.

 

Est-ce qu’on ne pourrait pas remplacer le psy par une fourchette ? (nous étions près d'un buffet)

   Est-ce la lettre Ψ qui vous donne cette idée ?  ..:)     En tous cas c'est une question que la neutralité en psychanalyse individuelle a déjà soulevée - voire plus encore que cette forme classique, la déshumanisation redoutée résultant de l’informatique, qu’on appelle aussi cybernétique.

   Notez qu’en préservant une relation humaine (extraction et séance), le PLuriel ANalytique répond au contraire à cette capture de l’idéalisation par le surmoi ou la machine. Il est vrai que le recel que préserve l’analyste paraît très réduit. Il n’est même pas exclu que ce soit un membre interne au groupe qui tienne sa place le temps d'une session (cette seconde variation technique entend que ce membre-analyste garde encore un contact électronique avec un analyste à distance). Mais au rôle de pure logique (zéro) que constitue une absence circulante, s’ajoute la compensation, propre à toute mesure, de la moindre parole soustraite (moins-un) à la déshumanisation du rationalisme ou du totalitarisme (plus-un).

 


 

  ADDENDA -

Quatre représentations, faisant suite à l'Hermétisme à la Renaissance jusqu'à la Psychanalyse aujourd'hui
On montre que la même structure est représentée dans les quatre cas

PLAN

Giambattista Vico

Athanasius Kircher

 Jacques Lacan