Les autorités Égyptiennes n'ont pas toujours eu peur de manipuler , la fragile momie de Toutankhamon. Comme en 1969, à Londres, pour élucider la cause de la mort du jeune pharaon

Le secret de l'ADN de
Toutankhamon

Laboratoire, matériel,
chercheurs: tout était prêt
pour analyser l'ADN de
Toutankhamon. Quand, soudain,
les autorités égyptiennes
décident de tout arrêter. Motif ?
La sécurité nationale de
l'Égypte est menacée! Enquête.

 

Le contenu de cette page rassemble l'article de
Science & Vie Junior N°49/Juillet 2002--ISSN-0992-5899
Seuls sont ajoutés par l'auteur la note présente et les encadrés sur fond jaune ci-contre et dessous.

Sont aussi présentement surlignés quelques passage qui sont commentés en addendas

Trois chapitres ci-dessous:
Un sujet sulfureux annonce l'interdiction posée par les politiques sur l'identification des momies - trois premières "excuses" sont déclinées.

Peur que les pharaons soient des Hébreux La quatrième raison de la censure tient dans la probabilité que la dynastie Amarnienne soit hébraïque.

Une bombe psychologique moralité, les bombes psy font plus peur que les bombes qu'on voit à la télé, bien dégueues et qui tiennent les peuples tranquillos.

deux addendas accompagnés de commentaires généraux

 

« Attention : terrain miné ! » ; « Si vous voulez retourner en Égypte, vous avez intérêt à faire attention à ce que vous écrirez » ; « Ouh, là, c'est un sujet ultra-sensible ». Dans quel film tourne-t-on ?James Bond sur le Nil ? ! Mission impossible III ? Ni , l'un ni l'autre. Ces mises en garde sont celles d'égyptologues français lorsqu'on évoque devant eux 1'« affaire Toutankhamon ». Rien à voir avec l'histoire de la découverte, en 1922, de la tombe de ce jeune pharaon et de son trésor inouï. Non, l'affaire qui remue aujourd'hui les archéologues a débuté il y a un peu plus d'un an, lorsque des chercheurs japonais (université Waseda) et égyptiens (université Ayn Chams) décidèrent de débroussailler l'arbre généalogique du plus célèbre des pharaons. La famille de Toutankhamon est en effet un vrai sac de nœuds. Ce jeune roi (monté sur le trône en 1334 av. J.-C., à l'âge de 9 ans) est précédé par trois entre 1336 et 1334), Akhnaton (13501334) et Amenhotep III (1386-1349). Les égyptologues se crêpent le chignon sur les liens qui unissent ces quatre-là. Toutankhamon est-il le petit frère de Smenkhkarê ? Qui était son père ? Akhnaton ou Amenhotep III ? Et sa mère ? Et les hypothèses de fuser (presque) en tout sens...

Un sujet sulfureux

En fait, une technique permettrait de clarifier tout cela: l'analyse de l'ADN. Lovée dans nos cellules, l'ADN est une molécule qui porte l'ensemble des recettes dont l'organisme a besoin pour fonctionner. Comme les empreintes digitales, personne n'a tout à fait le même ADN que son voisin. Mais, à l'intérieur d'une même famille, les ADN ont tout de même beaucoup de points communs. Car chaque mère, pour moitié son père. En comparant certaines portions de l'ADN de deux personnes, on peut donc savoir si elles appartiennent à la même famille et, surtout, quel est leur degré de parenté. Une aubaine pour les archéologues ! Pensez: ils disposent des momies de Toutankhamon, Smenkhkarê, Amenhotep III, Tiy (une épouse du précédent). .. et peuvent encore y trouver de l'ADN, notamment au niveau des dents. Début 2001, une équipe de chercheurs égyptiens et japonais demande donc au Conseil suprême des antiquités (CSA)* l'autorisation de prélever des tissus sur les trois premières dépouilles. Le CSA donne son accord. Les Japonais offrent même un labo flambant neuf. Et ils s'apprêtent à débarquer dans la vallée du Nil avec leur matériel quand. ..patatras! En décembre 2001, le secrétaire général du CSA, Gaballah Ali Gaballah, annonce: « Il n'y aura pas de test maintenant et nous devons voir s'il y en aura un jour  ». Les chercheurs se contenteront de photographier la momie de Toutankhamon... Pourquoi le CSA et, derrière lui, le gouvernement égyptien refusent-ils cette analyse ? « Raison de sécurité nationale », répond-on sans plus d'explication. Damned! Comment une étude scientifique menée sur une momie vieille de 3000 ans pourrait-elle menacer l'État ? « C'est un sujet sulfureux, vous n'avez pas idée », prévient un chercheur français qui a tenu à garder l'anonymat. De fait, interrogé au téléphone sur les raisons de l'annulation du test auquel il devait participer, Nasri Iskander, conservateur en chef du musée du Caire, coordinateur du projet, se referme comme une huître: « Je ne le sais pas. Je vais devoir raccrocher: Je fais mon boulot. J'ai des ordres. » Que craint-on, avec cette manipulation ? Tout le monde y va de son hypothèse. La plus farfelue est sans doute celle évoquée par le Dr Al-Sawi, professeur de génétique à l'université Ayn Chams: 1) l'ADN pourrait être manipulé en vue du « clonage de Toutankhamon ! » Waoh! Aucune crainte à avoir là-dessus. Pour faire une copie conforme du pharaon comme on le fait des brebis, il faudrait obtenir l'intégralité de son ADN. Or, « on ne peut récupérer que de petits fragments d'ADN sur les momies, explique une spécialiste du Muséum d'histoire naturelle, Anne-Sophie Delmas. Et le puzzle n'est jamais complet. Impossible, donc, de reconstituer un ADN humain entier: il ne peut y avoir de "retour de la momie" I " .. Plus sérieusement, selon l'ex-secrétaire du CSA, le docteur Nur Al-Dîn, 2) il s'agit de ne pas abîmer davantage le corps embaumé de Toutankhamon. « C'est la seule explication possible, acquiesce l'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt. Cette momie est en très mauvais état, sa tête est détachée du corps... » Il faut voir la façon dont elle a été extirpée de son sarcophage en 1925 ! La résine utilisée pendant l'embaumement du pharaon l'avait littéralement collée au cercueil en or. Pour sortir la momie de là, l'archéologue Howard Carter a placé des lampes au-dessus du corps de  façon à faire fondre la résine. Puis il a  retiré la momie du sarcophage par petits bouts. La dépouille risquerait-elle d'être abîmée davantage ? « Non, répond Anne-Sophie Delmas. En général, on  extrait l'ADN à partir d'un fragment d'os de 1 à 2 grammes ou d'une dent. Cela ne  représente pas une dégradation importante.» Scientifiquement, cette hypothèse ne tient donc pas debout non plus. Mais on le sait : un gouvernement  n'a pas besoin de preuves scientifiques. Il écoute aussi l'opinion publique. Or, « les Égyptiens sont très respectueux de leurs pharaons », note Sydney Aufrère, égyptologue à l'université de Montpellier. Au point que la momie de Ramsès II, lorsque la France l'a prise en charge pour la soigner, en 1977, a été accueillie dans l'Hexagone comme un chef d'État, avec les honneurs de la garde républicaine rendus sur le tarmac de l'aéroport ! " Derrière le gouvernement égyptien, vous avez 3) un peuple qui considère qu'on ne doit pas toucher aux momies », conclut l'historien. Pour beaucoup d'égyptologues français, cette raison est suffisante pour interdire l'analyse si intime de l'ADN de Toutankhamon.

4) Peur que les pharaons soient des Hébreux 

Bon. Imaginons que l'explication soit là: on veut respecter la dépouille du pharaon mythique. Le motif est honorable. Alors, pourquoi le Conseil suprême des antiquités refuse-t-il de le dire simplement quand on lui pose la question ? Pourquoi invoque-t-il la « sécurité nationale » ? Enfin, cette hypothèse n'explique pas pourquoi les projets d'analyses d'ADN de momies égyptiennes, présentés par les Occidentaux, ont tous été stoppés. Notamment celui de l'université de Manchester. Mondialement connue pour son savoir-faire eh matière de momies, cette université britannique a proposé à l'Égypte de se joindre à la création d'une « banque » internationale de tissus momifiés. Objectif: décrypter l'ADN contenu dans ces tissus et répertorier ainsi certaines maladies dont souffraient les anciens Égyptiens. Les chercheurs aimeraient notamment connaître l'évolution sur 5000 ans de la bilharzia, ver parasite responsable de maladies graves du foie et de la vessie. Las! le refus des autorités a été cinglant, encore une fois au nom de la " sécurité nationale ". En fait, plusieurs chercheurs égyptiens évoquent à demi-mot une quatrième hypothèse, " ultra-sensible " effectivement. Le test ADN de Toutankhamon -et des momies en général pourrait être utilisé par certains pour « réécrire l'histoire égyptienne », la « falsifier ». Dans quel sens ? Peu de chercheurs acceptent de répondre. Un d'eux, remettant il y a quelques années des résultats d'analyse d'ADN, s'est vu demander tout à trac par le secrétaire général du CSA : « Est-ce que ce sont des momies d'étrangers ? « » Ce que les Egyptiens craindraient par dessus tout, c'est que l'on découvre des origines non égyptiennes aux pharaons de la XVIIIe dynastie. E, pire que tout, qu'on leur découvre des liens ethniques avec les Hébreux. Horreur majeure pour l'Égypte car il deviendrait pensable que la civilisation pharaonique et ses merveilles archéologiques soient récupérées par le voisin ex-ennemi et toujours concurrent: Israël!' À première vue, il existe un point commun entre les Égyptiens de la XVIIIe dynastie et les Hébreux tels qu'ils sont décrits dans la Bible: tous semblent avoir eu un dieu unique. Entre 1350 et 1334 av J.-C., un des pères supposés de Toutankhamon, Akhnaton, a en effet imposé à son peuple de ne vénérer qu'un dieu parmi toutes les divinités égyptiennes : le disque solaire, Aton. Mais beaucoup de spécialistes se refusent à y voir un vrai monothéisme (l'adoration d'un seul dieu). Quoi qu'il en soit, dès la mort d'Akhnaton, la population retourna à ses anciennes croyances et effaça des temples toute référence au roi « hérétique ". Pour certains auteurs, tels que Messod et Roger Sabbah, cette «révolution religieuse " d'Akhnaton ne serait pas un accident. Car les pharaons de ce temps là ne seraient autre... que les héros de la Bible! Dans leur livre Les secrets de l'Exode, ces historiens amateurs prétendent ainsi que Akhnaton était le patriarche Abraham. Ramsès 1er aurait été Moïse, qui délivra les Hébreux de l'oppression égyptienne et les emmena vers la Terre promise. Dans un autre livre, un ancien journaliste qui se veut historien, Ahmed Osman, suggère cette fois que Akhnaton était Moïse, et Toutankhamon. ..Jésus. « C'est complètement aberrant ", soupire Jacques Briend, historien de l'Institut catholique de Paris. « On n'a pas le début du commencement de l'ombre d'une preuve. " Pour la quasi totalité des spécialistes, ces thèses ne sont basées sur aucun indice archéologique ou historique. Un pur délire. Mais qui fait vendre des livres par millions! notamment aux Etats-Unis.

Une bombe psychologique

N'empêche. Dans l'esprit des Égyptiens, cette " campagne » de récupération de leur histoire suffirait amplement à justifier que l'on n'aille pas regarder de près dans l'ADN de Toutankhamon et de ses pairs. D'autant que « tout ce qui pourrait porter atteinte à la mémoire de l'Égypte antique et à l'origine non égyptienne des rois serait une véritable bombe, psychologique », confirme Sydney Aufrère. Il faut dire que les Égyptiens sont très fiers de leur passé pharaonique. En cela, ils constituent même un cas unique dans le monde arabe. Dans les pays voisins, les millénaires qui ont précédé la naissance de l'Islam (au VII' siècle apr. J.-C.) sont reniés, considérés comme des années d'ignorance. Et pour cause: on ne croyait pas en Allah. Or, la civilisation pharaonique a grandi durant ces années « sombres ». Au contraire, les Égyptiens, se réfèrent davantage à ce passé-là, riche de conquêtes et de constructions prestigieuses, qu'au passé arabe. « Aujourd'hui, le sang égyptien, c'est du sang pharaonique », appuie Sydney Aufrère. Et le gouvernement égyptien ne pourrait pas se permettre de laisser un scientifique clamer - même par erreur, même par mauvaise foi - que dans le sang égyptien, il y a un peu de sang hébreu. Rien ne prouve qu'un tel brassage a existé. Auquel cas, l'analyse ADN de milliers de momies serait totalement inoffensive (voir encadré page 76) .Mais, dans le doute, s'abstenir. Et c'est peut-être pour cela que le gouvernement égyptien refuse que l'on prélève des échantillons sur les corps embaumés qu'il a en sa possession. « Vous savez, l'archéologie et la politique marchent de pair; surtout dans cette région, remarque Jacques Briend. En Israël dire qu'à tel endroit on trouve des poteries israélites du Xe siècle av. J.-C., ça veut dire que le terrain appartient aux Israéliens d'aujourd'hui. A l'inverse, y trouver des poteries fatimides [NDR: du Xe au XIIe siècle]> c'est dire que le terrain appartient aux musulmans. Résultat: on craint toujours les découvertes faites par les archéologues. » La preuve en a été donnée une nouvelle fois. .Arthur Labaume

 

(*) Le CSA est une administration incontournable pour les archéologues: c'est elle qui leur accorde le permis de fouiller en Égypte et veille sur les trésors découverts.

 

 

Quel est ton peuple, Toutankhamon?

Un scientifique qui clamerait avoir déterminé les origines ethniques de Toutankhamon par l'analyse d'ADN s'exposerait à être regardé avec méfiance. En théorie, pourtant, on est d'accord : l'ADN du pharaon pourrait permettre de savoir à quelle population il appartenait. En effet, si tous les humains portent le même ADN, cette molécule présente parfois d'infimes différences d'une population à l'autre? Les généticiens appellent ces mutations des "marqueurs". Repérez, dans les populations X et Y, quels sont ces marqueurs. Allez jeter un oeil dans l'ADN de Toutankhamon. S'il possède les mêmes marqueurs que la population X, c'est que le pharaon a une chance plus ou moins importante d'appartenir à ce groupe humain? En pratique, tout se complique. Savoir si Toutankhamon était hébreu ou égyptien, par exemple, nécessiterait d'abord que l'on trouve un marqueur différent dans l'ADN des Hébreux et des Égyptiens? Or "cela n'a jamais été trouvé", explique une spécialiste de l'ADN ancien. D'un point de vue génétique, ces deux populations ne semblent pas être séparées depuis assez longtemps pour présenter des différences notables. Même si ce marqueur existait, il n'est pas dit qu'on puisse le trouver dans l'ADN de Toutankhamon. Car l'ADN ancien est en général partiellement détruit par le temps. Et les marqueurs nucléaires restants ne sont pas assez nombreux pour tirer une conclusion.

 

COMMENTAIRE: faisant suite à sa présentation sur e-group.

J'ai surligné en rose divers points notables pour un psychanalyste: tout d'abord ci-dessus le chercheur qui a tenu à garder l'anonymat! c'est drôle. Plus sérieux les test de Manchester; présenté dans un autre e-group et avec Charles Pope qui a communiqué avec le chercheur de Manchester, il semble que les tests aient été réalisé bel et bien-mais sous contrat que le gouvernement égyptien était propriétaire de leurs résultats. Ce qui veut dire que le génome de la 18em dynastie est déjà connu. Mais c'est presque un détail dans l'ensemble de l'affaire.
Plus bas, on ne s'étonnera pas que l'historien de l'Institut catholique de Paris conteste les thèses d'Osman (qui identifie Jésus à un retour de refoulé, comme une hallucination après une forclusion). Je m'applique aussi à les contester; elles ne sont pas du tout aberrantes comme on le fait dire à J.Briend.

Étonnant aussi à propos de pur délire - qu'on dise que ces thèses font vendre des livres par millions aux USA. Ca va sans doute venir; mais encore à présent Osman, bien qu'écrivant et publié en anglais, était au contraire très soigneusement censuré et refoulé par l'édition américaine. Quant aux Messod & Sabbah dont je traite aussi, ils sont totalement inconnus aux US. Intéressante erreur donc de Science & Vie Junior.

A noter aussi l'encadré ci-contre; car le fait qu'on soit aujourd'hui capable de remonter des lignées jusqu'à Aaron au sein d'une seule population juive - même si c'est à partir de chromosomes actuels et s'il ne s'agit d'échantillons ancien - doit faire pâlir l'assertion de la spécialiste de l'ADN qui nie qu'il y ait une différence détectable entre des population encore plus distinctes.

 

J'ai noté aussi deux petits traits particulièrement objectifs pour la psychanalyse; il s'agit de lapsus, ou de défaut de sens. On trouve le premier dans le corps du texte à propos de " tout ce qui pourrait porter atteinte à . . . l'origine non égyptienne des rois . . . ". Bien sûr l'auteur vulou dire l'origine égyptienne !

Le second signe clinique se trouve dans le commentaire ci-contre, dans la bulle de ce dessin qui décore l'article. On y lit une belle contradiction, voire non-sens sauf à signifier que  les esclavagistes des hébreux seraient des pharaons hébreux. "A vous de décoder ce que cela signifie" semble dire le sphinx hyper-cool qui s'est tourné vers le lecteur, comme pour lui adresser sa question.


Copirate Dr Zénon 20020729