Alan Turing 1950 - Les Ordinateurs et l'Intelligence

 

Section 1 Section 2
Critique du nouveau problème
Section 3

Cybernétique et Psychanalyse

- - - - - - - Une lecture par DWT pour une étude des Temps Présents - - - - - - - 


Formalisation de la psychologie face à l'informatique de Turing


 

    La seconde section de l'enquête interroge la validité de la "question substitutive"; qu'est-ce qu'une question substitutive ? 
  

   Fonction dans la science d'une question substitutive : à la question est-ce qu'une boite est vide ou pleine, le scientifique cherchera à savoir si elle est plus légère ou plus lourde. Ainsi à la question peuvent-elles penser? Turing reformule le problème ; il s'appuie sur un théorème (de l'imitation) et interroge : peuvent-elles imiter? Cette substitution participe de la fondation méthodologique de la science.

   Pour mesurer cette capacité (d'imitation) Turing place un observateur et mesure à quel point il peut échouer dans la distinction l'imitant (la machine) et l'imité (une personne humaine). On dira donc que la machine peut imiter à tel point que l'on puisse dire qu'elle pense.

 

   Puis en dernière validation de sa solution, Turing vérifie que pour confondre l'observateur au jeu de l'imitation, ce soit bien en imitant - c'est à dire en jouant le jeu - que la machine parviendra le plus efficacement à la confusion. Au cours de sa démonstration Turing expose d'une part la possibilité de faire intentionnellement des erreurs et d'autre part éloigne l'aptitude de l'être humain à imiter avec efficacité une machine.

 

     A ce moment de l'étude, la psychologie fournit à Turing des renseignements utiles et critique à la fois.
   Il n'est pas certain que l'imitation inverse (de la machine par l'humain) soit vaine, car à partir du moment où la machine imite avec assez de puissance pour faire croire à des lenteurs et à des errements propres à l'être humain, les infirmités de ce dernier vis à vis de la puissance de calcul de l'appareil sont estompées. Dans l'ordre de cette logique il faut pousser la méthode jusqu'à exiger que la situation soit réaliste. Si Turing met en relation des machines dont il est spécialiste, avec des être humains, il convient de qualifier du mieux possible quelle est la psychologie de cet éléments sur laquelle ladite pensée est fondée. - c'est à dire la pensée de l'humain, dont Turing n'est pas 'spécialiste' et qu'il estime que l'ordinateur imite. En l'occurrence et notamment il importe de faire cas de la structure psychologique qui établit que l'être humain est menteur. Turing ne prend pas en compte cet élément. Il convient de l'introduire dans le test effectué en réalité.

Figures de la psychologie humaine

Figure du mensonge : Sa, Sb, deux sphinges ; l'une dit toujours la vérité, l'autre toujours ment - Oedipe d'une seule question 
sans savoir à laquelle il s'adresse doit déduire de sa réponse quel chemin prendre. A droite est juxtaposé le schéma lacanien
qui indique la préposition du vrai,
(Es), au mensonge (assertion de certitude anticipé dans le cas de trois semblables)
[ les schémas sont : à gauche schéma du mensonge in La Sainte Éthique & à droite schéma Z lacanien in Ecrits/La Lettre Volée ]

   La structure ou la formule, l'algorithme, du mensonge est fortement proche du schéma du jeu de l'imitation. Cette structure est celle du psychisme humain (psychanalyse). Ce fait est à la fois une validation de conformité du test de Turing à traiter de la pensée - mais c'est aussi la révélation d'une complexification du test. Pour schématiser la situation il faut mettre, dans le premier schéma du jeu où Turing a maintenant positionné une machine 'm' à la place de l'homme 'h' en Y ... :


Figure du test Réel : après le test modèle (Homme ou Femme) l'application du test de Turing remplace l'homme par une machine,
mais pour être complet, il doit prendre en compte qu'en vis à vis la structure psychologie est celle d'un mensonge. 

...mettre, dis-je, à la place de l'être humain qui reste (f en l'occurrence), l'algorithme du mensonge - c'est à dire
ce qui mérite d'être appelé le semblant du jeu dans le jeu.

 

  

en Résumé :

   Si la machine imite.. nous devons ajouter une importante information, à savoir : ce qu'elle imite ; en l'occurrence le mensonge
   Ainsi une troisième section est-elle ouverte qui va dessiner la manière dont une machine peut imiter son créateur dans la mesure de la caractéristique dudit créateur (en l'occurrence le mensonge). 

  

  


Annexes

a)

Vers    Réflexions / Littérature Grise   DWT

 

b)

 Source : les ordinateurs et l'intelligence

texte original de Turing section 1
traduction Patrice Blanchard

2. Critique du nouveau problème

   Au lieu de demander: « Quelle est la réponse à cette nouvelle forme de question? », on pourrait tout aussi légitimement demander: «La nouvelle question vaut-elle la peine d'être examinée? » Examinons cette dernière question sans autre forme de procès, coupant par là court à une régression infinie.
   Le nouveau problème a l'avantage de tracer une ligne assez nette entre les capacités physiques et intellectuelles de l'homme. Aucun ingénieur ou chimiste ne prétend être capable de produire un matériau que rien ne distingue de la peau humaine. Il est possible que cela puisse être fait un jour, mais, même en supposant que cette invention soit réalisée, nous jugerions sans intérêt de rendre une « machine pensante» plus humaine en l'habillant d'une telle chair artificielle. La forme sous laquelle nous avons posé le problème reflète ce fait à travers les conditions qui empêchent l'interrogateur de voir ou de toucher les autres participants, ou d'entendre leurs voix. On peut montrer d'autres avantages du critère proposé à travers un spécimen de questions et de réponses.
   Ainsi:
   C : Pouvez-vous, s'il vous plaît, m'écrire un sonnet au sujet du pont de la rivière Forth ?
   A : Ne comptez pas sur moi pour ça. Je n'ai jamais réussi à écrire de la poésie.
   C : Ajoutez 34 957 à 70764. (Un silence d'à peu près trente secondes, puis vient la réponse.)
   A : 1057211 [note : Le texte anglais original, publié en octobre 1950 dans la revue Mind, donne un résultat différent (et erroné) : « 105 621 ». Le traducteur s'est donc permis de rectifier une « erreur» voulue, qui a pour but de dissimuler l'identité de la machine: l'erreur, comme chacun le sait, est humaine ... (Note due à Jean Lessègue, que nous remercions.]
   C : Jouez-vous aux échecs?
   A : Oui. C : J'ai mon roi en C8 et aucune autre pièce. Vous avez seulement votre roi en C6 et une tour en Al. C'est à vous de jouer, que jouez-vous?
   A (après un silence de quinze secondes) : Tour en A8, échec et mat.
   La méthode des questions et réponses semble être adaptée pour introduire presque n'importe quel champ des capacités humaines que nous souhaitons inclure. Nous ne souhaitons pas pénaliser la machine pour son incapacité à briller dans des concours de beauté, et nous ne voulons pas pénaliser l'homme parce qu'il perd quand il court contre un avion. Les conditions de notre jeu rendent ces incapacités non pertinentes. S'ils le jugent souhaitable, les «témoins» peuvent se vanter autant qu'il leur plaît à propos de leurs charmes, de leur force ou de leur héroïsme. Mais l'interrogateur ne peut exiger une démonstration pratique.
   Il est peut-être possible de critiquer le jeu sous le prétexte que la machine y est lourdement désavantagée. Si l'homme essayait de faire semblant d'être la machine, il est clair qu'il s'en sortirait fort mal. Il serait immédiatement trahi par sa lenteur et son inexactitude en arithmétique. Les machines ne peuvent-elles pas exécuter quelque chose qui relève d'une forme de «pensée », mais qui est très différent de ce qu'un homme fait? Cette objection est très forte, mais nous pouvons au moins dire que, s'il est possible de construire une machine pour qu'elle joue le jeu de l'imitation de manière satisfaisante, nous n'avons pas besoin de nous occuper de cette objection.
   On pourrait objecter que, lorsqu'elle joue au jeu de l'imitation, la meilleure stratégie pour la machine peut être autre que l'imitation du comportement humain. C'est possible, mais je pense qu'il est probable que cela n'ait pas beaucoup d'influence. De toute façon, nous n'avons pas l'intention d'étudier ici la théorie du jeu, et l'on présupposera que la meilleure stratégie est d'essayer de fournir des réponses qui seraient naturellement données par l'homme.

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