Alan Turing 1950 - Les Ordinateurs et l'Intelligence

 

Section 3 Section 4
Les ordinateurs
Section 5

Cybernétique et Psychanalyse

- - - - - - - Une lecture par DWT pour une étude des Temps Présents - - - - - - - 


Jonction de la psychologie à l'informatique de Turing


 

 ..avant d'arriver à la section.4 :

    La lecture a pris l'habitude d'ajouter quelque chose témoignant de la mise à jour de l'article (1950) de Turing 60 ans plus tard. Après avoir mis en jeu un humain et une machine, nous avons opéré la substitution de l'humain par l'algorithme du mensonge (sect.2) suite à quoi la psychologie humaine a été replacée dans la machine(sect.3). Cette mise à jour a donc consisté comme une inversion paradoxale, déshumanisant l'humain par une formule (formule du mensonge) puis contrebalançant cette déshumanisation par une humanisation de la machine. Mais cette modernisation (quoique déjà stable) est encore en danger (puisque l'humanisation resituée n'est pas restituée ; elle n'a encore lieu que dans une machine qui n'a pas rendu la parole à l'être humain biologique) ; elle doit donc continuer avec la présente section 4.

 

Passons à la section.4 :

   Ici Turing décrit la constitution des ordinateurs. Il détaille ce qu'ils ont de particulier (avant de montrer (sect.5) qu'ils sont assez universaux pour représenter la généralité type "machine").
   Turing décrit un ordinateur composés par trois parties : Mémoire, Contrôle, Exécution (disons MCE,
équivalent à ODE de R.Vallée : Observation, Décision, Effecteur).
    

   C'est avec cette définition qu'il instrumente le test de Turing - ici nommé jeu de l'imitation. - c'est à dire trois unités :

    1) une unité mémoire, 2) une unité de contrôle (+ unité de calcul dans jeux), 3) une unité d'exécution.    

   Mais par ailleurs il existe une description plus détaillée d'une Machine de Turing - composée en cinq étapes :

    1) un enregistrement (mémoire), 2) une comparaison (contrôle), 3) une déduction (exécution), 4) un repositionnement (contrôle), 5) observation (mémoire).    

Nous mettons à jour la section.4 en considérant les étapes de la Machine de Turing ;

    Considérer l'ordinateur comme une structure d'étapes en place d'une structure d'unités
permet de faire un rapprochement avec un algorithme circulaire bien connu :

  
L'animation révèle la constitution du schéma de la psychanalyse

 Une mise en graphe des étapes de la Machine de Turing révèle un circuit
qui construit l'algorithme cybernétique de Jacques Lacan
Ecrits > Séminaire sur la Lettre Volée > Introduction (Ed.1999 p.53)


   fig.10 : Les cinq étapes de la Machine de Turing du point de vue psychanalytique   

Tandis que ce schéma est connu pour dériver en discours (ci-dessous gauche) lequel lui-même réédite l'Art de la Mémoire (ci-dessous à droite)

Le Christianisme jusquà' la Renaissance et la Psychanalyse à partir de 1970 partagent le même modèle d'algorithme circulaire - correspondant au modèle de Turing (au point que les historiens n'ont pas hésité à dire que les Roues de Mémoire de Giordano Bruno étaient les précurseurs des ordinateurs - comme les mécaniques de DeVinci préfiguraient les outils modernes)

 pour plus de détail voir Littérature Grise

 

L'extrême proximité de la Psychanalyse et de la Cybernétique est donc réaffirmée à ce stade de l'investigation de la pensée (par Turing & par Lacan)

  

en Résumé :

la section 1) est passée de la différence sexuelle à la différence nature machine
la section 2) est passée par une déshumanisation (de l'humain)
la section 3) a réinséré la modalité humaine nécessaire dans la machine
ici la section 4) instrumente cette insertion par l'engrenage que la psychanalyse a formalisé "discours"

 

  

  


Annexes

a)

Vers    Réflexions / Littérature Grise   DWT

 

b)

 Source : les ordinateurs et l'intelligence

texte original de Turing section 4
traduction Patrice Blanchard

4. Les ordinateurs

On peut expliquer l'idée qui est à l'origine des calculateurs numériques en disant que ces machines sont destinées à mener à bien toutes les opérations qu'un calculateur humain pourrait effectuer. Le calculateur humain est censé suivre des règles fixes; il n'a pas l'autorisation de s'en éloigner si peu que ce soit. Nous pouvons supposer que ces règles lui sont fournies dans un livre, qui est modifié chaque fois qu'on lui donne un nouveau travail. Il dispose aussi d'une quantité illimitée de papier, sur lequel il fait ses calculs. il peut encore faire ses multiplications et ses additions sur une « machine de bureau », mais cela n'a pas d'importance. Si nous utilisons l'explication ci-dessus comme définition, le danger sera la circularité de l'argumentation. Nous l'évitons en donnant les grandes lignes des moyens par lesquels l'effet désiré est obtenu. On peut habituellement considérer qu'un ordinateur est composé de trois parties: 1) une mémoire; une unité d'exécution; une unité de contrôle. La mémoire est une réserve d'informations et correspond au papier du calculateur humain, que ce soit le papier sur lequel il fait ses calculs ou celui sur lequel est imprimé son livre de règles. Dans la mesure où le calculateur humain fait des calculs dans sa tête, une partie de la mémoire correspondra à sa mémoire. L'unité d'exécution est la partie qui effectue les différentes opérations individuelles qu'un calcul comporte. Ces opérations individuelles varieront d'une machine à l'autre. La machine peut habituellement exécuter des opérations relativement longues, telles que: «Multipliez 3 540 675 445 par 7076345687 », mais dans certaines machines seules des opérations très simples, comme « Écrivez 0 », sont possibles. Nous avons mentionné que le livre des règles fourni au calculateur est remplacé dans la machine par une partie de la mémoire. On l'appelle alors la table des instructions.

C'est le rôle de l'unité de contrôle de vérifier que ces instructions sont correctement exécutées et dans le bon ordre. L'unité de contrôle est faite de telle manière que cela se produit nécessairement. Les informations stockées dans la mémoire sont habituellement réparties en groupes de taille modérée. Dans une machine, par exemple, un groupe pourrait être constitué par dix chiffres décimaux. Des numéros sont attribués, de manière systématique, aux parties de la mémoire dans lesquelles les différents groupes d'informations sont enregistrés. Une instruction typique pourrait être: « Ajoutez le nombre enregistré dans la position 6809 à celui qui est en 4302 et enregistrez le résultat dans cette dernière position. » Il est inutile de dire que cela n'apparaîtra pas en français dans la machine, mais se trouvera probablement codé dans une forme telle que: 6 809430217. Ici, 17 indique laquelle des différentes opérations possibles doit être exécutée à partir des deux nombres. Dans ce cas, l'opération est celle décrite ci-dessus, c'est-à-dire: «Ajoutez le nombre ... » On remarquera que l'instruction a dix chiffres, et qu'elle forme ainsi un groupe, d'informations facile à manipuler.
L'unité de contrôle suivra normalement les instructions auxquelles elle doit obéir dans l'ordre des positions dans lesquelles elles sont enregistrées, mais on peut à l'occasion rencontrer une instruction comme: « Obéissez maintenant à l'instruction enregistrée dans la position 5 606, et continuez à partir de là. » Ou encore: « Si la position 4 505 contient 0, obéissez ensuite à l'instruction enregistrée en 6 707, sinon continuez directement. » Les instructions de ce dernier type sont très importantes, car elles rendent possible la répétition continue d'une suite d' opérations jusqu'à ce qu'une condition quelconque soit remplie, cependant que la machine obéit non pas à de nouvelles instructions à chaque répétition, mais aux mêmes. Pour employer une analogie domestique, supposons que la mère de Tommy veuille qu'il passe chez le cordonnier tous les matins en allant à l'école pour voir si ses chaussures sont prêtes; elle peut le lui redemander tous les matins, ou alors placer une fois pour toutes dans l'entrée une note qu'il verra à son départ pour l'école et qui lui dit de passer chez le cordonnier et aussi de détruire la note à son retour s'il ramène les chaussures.

Le lecteur doit accepter comme un fait établi que les ordinateurs peuvent être, et ont été, construits suivant les principes que nous avons décrits, et qu'ils peuvent en fait imiter de très près les actions d'un calculateur humain. Le livre de règles dont nous avons dit que notre calculateur humain se servait était bien sûr une fiction commode. Les vrais calculateurs humains se rappellent en effet ce qu'ils ont à faire. Si l'on veut faire imiter par une machine les comportements du calculateur humain dans quelque opération complexe, on doit lui demander comment il fait, puis traduire la réponse sous la forme d'une table d'instructions, autrement dit: un programme. « Programmer une machine pour exécuter l'opération A » veut dire: mettre dans la machine la table d'instructions appropriée pour qu'elle exécute A.

Une variante intéressante de l'idée d'ordinateur est 1'« ordinateur avec un élément de hasard ». Ces ordinateurs comportent des instructions qui incluent le jet d'un dé, ou tout autre procédé électronique équivalent. Une telle instruction peut par exemple être : « Jetez le dé, et mettez le nombre obtenu dans la mémoire 1 000. » On décrit parfois une telle machine comme ayant un libre arbitre (bien que je n'utiliserais pas cette expression moi-même). Il n'est pas possible normalement de déterminer à partir de l'observation d'une machine si elle possède un élément de hasard, car un effet similaire peut être obtenu par des moyens tels que celui de faire dépendre les choix des décimales de TC. La plupart des ordinateurs existants ont seulement une mémoire fixe. Il n'y a pas de difficulté théorique à concevoir un ordinateur avec une mémoire illimitée. Bien entendu, seule une partie finie peut être utilisée à la fois. De même, on a pu seulement en construire une quantité finie, mais nous pouvons imaginer que l'on en rajoutera autant qu'il sera nécessaire. De tels ordinateurs ont un intérêt théorique particulier et on les appellera «ordinateurs à capacité infinie».

L'idée d'ordinateur est ancienne. Charles Babbage, Lucasian Professor of Mathematics à Cambridge de 1828 à 1839, avait conçu une telle machine, appelée «machine analytique », mais elle ne fut jamais terminée. Bien que Babbage ait eu toutes les idées essentielles, sa machine ne représentait pas à l'époque un projet très intéressant. La vitesse qu'elle aurait pu atteindre aurait été nettement plus grande que celle d'un calculateur humain, mais quelque chose comme 1 00 fois plus faible que celle de la machine de Manchester, qui est l'une des machines modernes les plus lentes. La mémorisation devait être purement mécanique, utilisant des rouages et des cartes. Le fait que la machine analytique de Babbage ait dû être entièrement mécanique nous aidera à nous débarrasser d'une superstition. On attache souvent de l'importance au fait que les ordinateurs modernes sont électriques et que le système nerveux aussi est électrique. Puisque la machine de Babbage n'était pas électrique, et puisque tous les ordinateurs lui sont en un sens équivalents, nous voyons que l'utilisation de l'électricité ne peut guère avoir d'importance théorique. On trouve, bien sûr, habituellement l'électricité là où l'on a besoin de signaux rapides, ainsi il n'est pas surprenant que nous la trouvions dans les deux cas. Dans le système nerveux, les phénomènes chimiques sont au moins aussi importants que les phénomènes électriques. Dans certains ordinateurs le système de mémorisation est principalement acoustique. On voit donc que l'utilisation de l'électricité n'est qu'une similarité très superficielle. Si nous souhaitons découvrir de telles similarités, nous devrions plutôt chercher des analogies mathématiques de fonction.  

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